Menu
21 rue de la Rochefoucauld, 75009 Paris

Du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 19h - Samedi urgences uniquement

21 rue de la Rochefoucauld, 75009 Paris

Du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 19h - Samedi urgences uniquement

Vous êtes ici : Accueil > Actualités > PRESCRIPTION DE L'ACTION EN CONTESTATION DE PATERNITÉ, RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET DROITS DE L'ENFANT DE CONNAITRE SES ORIGINES

PRESCRIPTION DE L'ACTION EN CONTESTATION DE PATERNITÉ, RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET DROITS DE L'ENFANT DE CONNAITRE SES ORIGINES

Le 03 février 2018
Le conflit entre l'intérêt légitime de l'enfant de connaitre ses origines familiales , et l’intérêt des familles de revendiquer un droit à la stabilité, fait toujours débat devant la Cour de cassation comme devant la Cour Européenne de Justice.

Lors de la succession de ses parents, la question de sa propre filiation ou de celle de ses frères et sœurs se pose parfois.

Il arrive de découvrir que son père légitime n'est en réalité pas son père biologique, ou qu'il en est de même de sa fratrie.

On peut avoir intérêt, pour des raisons patrimoniales, à contester cette ou ces filiations.

Mais peut-on, à tout moment, la remettre en question?

L'article 332 du code civil stipule que:

"La maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant.

La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père."

L'article 333 du même code stipule que:

" Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable."

Donc, l'action n'appartient pas à tout le monde, mais à ceux qui sont directement concernés par la filiation;

L'article ajoute:

"L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.

Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement."

S'est souvent posée la question de savoir si l'intérêt de l'enfant de faire établir sa filiation, n'est pas supérieur à la stabilité de la famille, telle que la possession d'état, voulu généralement par les parents, l'a établie.

La Cour de cassation a jugé que le choix du législateur de faire prévaloir la stabilité familiale n'est pas contraire à l'intérêt de l'enfant, dès lors que le père légitime s'est comporté comme tel pendant 5 ans. (cassation. Civile. 1ère, 2 février 2017)

Par contre, la Cour de cassation a cassé un arrêt d'une cour d'appel qui a rejeté la demande du ministère public (Procureur de la République) d'une demande d'expertise ADN, faute d'avoir répondu aux conclusions de l'enfant qui faisaient valoir qu'un juste équilibre devait être ménagé, dans la mise en oeuvre de l'article 8 de la convention des droits de l'Homme, entre le droit qu'il revendique  de voir établir sa filiation biologique et les intérêts des héritiers du père supposé, qui opposaient un refus à ce qu'il hérite de ce dernier. (Civile 1ère, 10 juin 2015)

Récemment, la Cour de cassation a jugé que l’ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiales que constitue la prescription de l'action en contestation de paternité prévue à l'article 333 du code civil, poursuit un but légitime et est proportionnée, dès lors que l'action des demandeurs ne poursuit qu'un but patrimonial.(Cassation civile 1ère. 6 juillet 2016)

La Cour de cassation, à l'instar de la Cour Européenne des droits de l'homme, effectue ainsi un contrôle de proportionnalité, considérant qu'un simple intérêt patrimonial de la part de l'enfant qui revendique sa filiation, ne saurait justifier de remettre en question les règles sur l'héritage et la stabilité familiale, en vertu de l'article 333 du code civil.

Les fondateurs du code civil ont cherché avant tout la stabilité de la famille, afin que le patrimoine familiale se transmette de génération en génération, en ligne directe.

Aujourd'hui, la famille est éclatée. La nécessité de transmettre son patrimoine à ses enfants n'est pas la priorité de tous, d'autant plus que l'on peut se marier et divorcer plusieurs fois, et donc, avoir des enfants, légitimes ou non, de plusieurs lits.

Par contre, la voix de l'enfant qui revendique de savoir qui sont ses parents est de plus en plus forte.

Un exemple récent ne fait que le conforter: celui de ce jeune-homme qui a retrouvé son père biologique, donateur de son sperme de façon anonyme, après avoir lui-même attendu 7 ans pour avoir un enfant avec son épouse.

La recherche des enfants adoptés va dans le même sens.

Récemment, un enfant de 10 ans contestait sa filiation avec sa mère, au motif que celle-ci avait l'objet d'un don d’Ovocyte.

Le débat ne portera-t-il pas un jour sur la proportionnalité entre l'intérêt des parents d'avoir un enfant, et l'intérêt de l'enfant de savoir d'où il vient et qui sont ses parents biologiques, quelque soit le mode de procréation?

Il est difficile de répondre.

Chaque droit a sa justification légitime. 

Il appartiendra à la Cour de cassation d'y répondre, et sans doute également à la cour Européenne de justice , mais manifestement, le sens de l'Histoire et de nos sociétés va dans celui de l'affirmation du droit à avoir un enfant, quelque soit le mode de procréation ou de filiation, que ce soit en France ou à l'étranger.